Wednesday, February 20, 2019

Un poème inédit d'Antoine Bargel


Sale bête


Sale et bestiale, la ville est sale et bestiale
mais nous y allons pour chercher du travail.

La masseuse assise a les jambes dans la vitrine
un peu trop écartées. Un homme à la télé
en devanture explique les points d’acupuncture.

Sale et bestiale, la ville est sale et bestiale.

Aux délices d’Espagne on danse pour personne
sur l’écran au-dessus du bar. Ah non,
il y a deux thaïlandaises qui dînent.

Au refrain (sale et bestiale).

Ceux qui entrent sont des hommes jeunes
préoccupés par le travail : pas le moment
de prendre femme, mieux vaut investir trois sous.

La ville n’a rien de sale et bestial,
c’est moi qui suis sale et bestial.

La ville est composée de gens comme moi :
au rez-de-chaussée, je fais la queue au MacDo ;
je transpire sur tapis roulant à l’étage.

Sale, bestial, c’est le thème.

Je me prostitue sous toutes mes formes, toutes mes couleurs
principalement sauf une, parce que c’est plus facile
de niquer quelqu’un qui vous ressemble moins.

Je vous comprends, moi aussi je suis sale et bestial.

Mais nous venons à moi pour travailler, pour vendre
ce qu’autrui veut de nous, qui est peu
car ce qu’autrui préfère c’est niquer.

Moi aussi.

Je suis un homme jeune préoccupé par le travail.
Je suis une masseuse à l’apparence thaïlandaise.
Je suis un couple qui renonce aux délices d’Espagne.

Je suis sale et bestial.

(Paris, 14 mars 2012)
Extrait de "Misanthropie internationale"

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