Wednesday, April 25, 2018

Traction-brabant 73

Pas très rapide le gars ! Il m’a fallu attendre le 73ème numéro de « Traction-brabant » et les 13 ans d’existence du poézine pour me demander quelles étaient les raisons qui me poussaient à aimer la poésie.
La question est pourtant essentielle, surtout si l’on consacre, comme moi, à cette passion, deux heures de ses journées.
Tout d’abord, il ne faut pas se fier aux apparences : n’emboîtant pas le pas à tous les fans de langage, j’affirme haut et fort que la poésie ne se résume pas à une suite de signes alignés sur la page ou prononcés dans les airs.
Sinon, si ce n'était que ça, il y a déjà longtemps que je me serais cassé de là pour faire autre chose de plus concret.
Non, si j’aime la poésie, c’est parce qu’elle alimente mon imagination, ce qui me permet de passer par-dessus le réel. Ainsi, par les chemins tortueux de l'inspiration, la voici qui revient me donner des idées originales d’aménagement de l'espace et du temps.
Pourquoi ne pas donner à voir aux autres des choses (objets, comportements) que l'on oublie de montrer en priorité ? Pourquoi ne pas occuper le temps de façon peu ordinaire, plutôt que d'imiter la masse bêlante ?
D’ailleurs, la poésie, j’arrive déjà, au minimum, à la transformer en feuilles assemblées par deux agrafes, voire en petits livres et en rencontres nombreuses, qui provoquent elles-mêmes l'ingestion d'aliments bien réels.
De plus, si je crois en la poésie, c’est parce que ce n’est pas une religion. Je suis libre d’imaginer tout ce que je veux à travers ses mots. Je n'ai aucun Dieu à respecter. Je peux tenter toutes les expérimentations possibles et imaginables dans la suite de mes mots. La poésie, c’est mon jardin secret qui en voit de toutes les couleurs. C’est mieux que la chimie et même que l’alchimie. Il y a peu de chances que je fasse sauter l’immeuble où je vis avec. En plus, ça ne coûte pas cher en matériel, la poésie. Il faut juste disposer d'un stylo et d'un papier, ou au pire, d'une unité centrale et de courant électrique.
C’est plutôt économique ! Cette caractéristique bien réelle devrait donc constituer un argument de vente, en ces temps de réalisme. Nous les poètes, on la pratique depuis toujours, l'austérité !
Bref, la poésie, c’est un gage de liberté. Pas d’obligation de résultats. Pas de coutumes à la gland ou de statistiques à respecter, pas de grand manitou à bénir. Que sa propre tête à opposer aux brumes du quotidien.
Alors, vous préférez encore, après ça, des religions qui ne viennent pas de vous ?

P.M.

1 comment:

Gabriel Zimmermann said...

Cher Patrice,
Quoi de plus actuel que votre éditorial ? À l’heure où certains prétendent chérir la culture française en l’opposant à celle de ses voisins et en la corsetant à une nostalgie de terroir, comme on regretterait l’époque où le rémouleur s’arrêtait sur la place du village pour aiguiser les couteaux émoussés ; à l’heure où certains, dans la voix de leur dieu, entendent l’appel au sang et au massacre ; et à l’heure où l’évocation des arts devient minime, voire accidentelle dans les discours politiques, il est indispensable de revendiquer une foi (qu’importe si le mot est chargé de spiritualité ou d’un je ne sais quoi de mystique), une dévotion incassable pour le langage poétique. Parce qu’il ne s’agenouille devant aucun totem, ne récite aucun dogme, ne tient pas de cahier des charges et ne regarde pas votre passeport. Sa seule exigence est que nous soyons libres et nus face à lui…

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