Monday, August 18, 2014

Incipits finissants (60)

Le 17 novembre 2027, à l'arrêt de bus, un homme chanta "Dékalékatanne Dékalékatanne Ohé Ohé !". Puis, celles et ceux qui croisèrent cet homme sur leur route fredonnèrent pareil : "Dékalékatanne Dékalékatanne Ohé Ohé". Certains y mettaient du cœur, d'autres moins. Mais tout le monde était d'accord pour dire que ça fonctionnait. Ainsi, la plupart des personnes admettaient que le dékalékatanne égayait les rapports humains. A ce sujet, les spécialistes insistaient sur le fait que la réussite d'un bon dékalékatanne résidait dans le ohé ohé final. Et comme il faut toujours qu'il y en ait qui se vantent pour rien, ils créèrent des chamionnats de dékalékatanne. C'était à ceux qui poussaient les vocalises les plus aigues, quand d'autres produisaient des dékalékatannes très graves, devenant de ce fait des champions du blackdékalékatannemetal. Même les dirigeants de notre démocratie s'étaient désinhibés en twittant des dékalékatannes. La formule remplaçait l'habituel bonjour, désormais démodé. C'était devenu une recette du bonheur. Les choses auraient pu durer longtemps comme ça.
Hélas, il fallut hospitaliser d’office des dékalékatannés qui ne parvenaient plus à s’ôter ce refrain de la tête. Des psychologues suivirent une formation spécifique afin de devenir des dékalékatanneurs. Leur méthode reposait sur un principe simple : ne jamais chanter de dékalékatanne pendant les séances. En revanche, les recherches menées par les scientifiques n’aboutirent pas, puisqu’ils ne réussirent à cloner que des kétékalédannes ou des dannekalékélés. Finalement, de tristes sires se groupèrent en brigades anti-dékalékatanne pour tuer tous les dékalékatannés. On raconte même que parfois, il y avait des petits farceurs de bourreaux qui, avant de couper une tête, la fixaient dans les yeux en fredonnant la formule magique : « Dékalekatanne Dékalekatanne Ohé Ohé !».
Il reste que cette époque optimiste fit beaucoup de victimes. Les dékalekatannés qui n’avaient pas été tués, mouraient à la rue dans d’ultimes soubresauts de dékalékatanne.
Alors que plus personne n’en rêvait, un musicologue trouva la solution. Il ressuscita « L’art de la fugue » de JS Barre et le fit jouer à l’orgue par les haut-parleurs du royaume.
A cette occasion, une monarchie fut créée et on put enfin s’évanouir dans la tristesse. 
P.M.

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