Sunday, January 05, 2014

Traction-brabant 42

Nous sommes les poètes sales, mal fringués, malpolis, malvenus, mal en point, malheureux souvent. Croyez moi, je sais de quoi je parle, vu mon nom !
Et pourtant, il est certain que nous ne sommes pas si sales que ça, nous ne sommes même pas sales du tout, du moins en apparence.
Car l’inquiétude vient quand, petit à petit, la majorité des majeurs comprend que la saleté s’est incrustée en nous, que cette tache est originelle, et qu’elle nous donne cet air abruti de ceux qui sortent des manèges ou des brocantes au milieu de notre île privée de concurrence, puisque nous n’habitons pas le futur, mais le passé qui contamine le présent.
Bien sûr, nous avons beau être sales par en dessous, nous sommes restés sympathiques sans avoir à faire semblant de l’être.
Mais l’impardonnable est que la dèche dans sa permanence nous a imprimés en filigrane, d’où cette recherche d’une ambiance synonyme de gothique qui fasse enfin transpirer la mort, hélas jamais partie.
Pour nous, le langage est aristocratique, non adaptable à nos conditions réelles d’existence. Pour nous, il n’est pas non plus synonymie de vie. Nous ne parlons pas de la nature à travers le prisme apaisant du poème. Nous préférons décrire les descentes de café lamentables à l’aube, les poubelles à côté des supermarchés, plutôt que ces belles propriétés à l’intérieur desquelles nous reposons notre impuissance en taquinant la mélancolie. Nous ne sommes pas modernes pour autant, à force de préférer la nature sauvage qui continue son œuvre de décomposition dans le nœud des ceintures d’autoroute que nous empruntons tous les jours. Et nous adoptons notre langage à cette décomposition.
Nous avons un faible pour les petits matins sordides ou pour les soirées en queue de poisson que tous les dérapages du monde ne peuvent parvenir à imager. Et en plus, nous y survivons.
Il n’y a pas de subtil décalage qui laisse planer le doute sur notre pauvre condition. Il y a longtemps que ce doute là n’existe plus. Et c’est pour cela que la plupart des vivants, qui sont la plupart des poètes, nous trouvent mal fringués, malpolis, malvenus, malheureux, c’est pas dit…En tout cas, vivants, nous le sommes, malgré eux, malgré nous !

P.M.

1 comment:

Anonymous said...

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